par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 10 mai 1995, 93-15187
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
10 mai 1995, 93-15.187

Cette décision est visée dans la définition :
Don, donation




Attendu que Henri Y... est décédé le 22 septembre 1975 en laissant outre sa veuve, leurs trois enfants, France, Alix et Pierre ; que, par testament olographe du 15 mars 1972, il avait notamment légué à ce dernier " l'entier domaine de Lastours, commune de Castres " ; que, le 21 novembre 1974, il lui avait consenti un bail rural sur une partie du domaine et sur d'autres propriétés ; que, par acte du 10 juillet 1977, les héritiers ont délivré les legs et partagé la succession ; que, les 6 et 13 mai 1988, Mme France X... de Lastours a demandé la rescision de ce partage tant pour lésion de plus du quart que pour dol ; qu'elle a aussi demandé que soit ordonné le partage des biens immobiliers et des meubles omis ; que le Tribunal, ayant constaté la prescription de l'action en rescision pour lésion et ayant relevé que Mme France X... de Lastours avait aliéné une partie de son lot postérieurement à la découverte du dol, puisque la vente était intervenue après l'assignation, a, de ce chef, déclaré irrecevable la demande en rescision, par application de l'article 892 du Code civil, et a ordonné le partage complémentaire des seuls meubles successoraux à l'exception du mobilier du château de Lastours dont il a jugé qu'il était compris dans le legs de M. Pierre Y... ; que l'arrêt attaqué a confirmé ce jugement ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Et sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Attendu que Mme Y... reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir écarté certain biens du partage complémentaire des meubles de la succession, alors, selon le moyen, que d'abord, l'héritier doit rapporter tout ce qu'il a reçu du défunt et que la valeur du bien donné doit être fixée en se plaçant à l'époque du partage ou à celle de l'aliénation des biens concernés, de sorte qu'en excluant du rapport huit aquarelles de Redouté données par Henri Y... à sa fille Alix au motif que leur valeur à l'époque de la donation devait les faire considérer comme un présent d'usage, la cour d'appel a violé les articles 843, 852, 860 et 922 du Code civil ; alors, ensuite, que le présent d'usage n'est exempt du rapport qu'à la condition qu'il soit de valeur modique au regard des biens du donateur ; que, bien qu'elle ait constaté que sept de ces aquarelles avaient été vendues en 1985 pour un prix de 5 620 000 francs, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ces aquarelles pouvaient avoir une valeur modique au regard des biens d'Henri Y..., n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes ; alors, enfin, que le bail rural, consenti à un héritier, sans contrepartie synallagmatique, lui confère, un avantage indirect dont la valeur doit être rapportée ; qu'en ne recherchant pas si le loyer annuel de 6 990 quintaux de blé-fermage, prévu au bail portant sur la majeure partie du patrimoine familial consenti à M. Pierre Y..., pouvait constituer une contrepartie synallagmatique sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 843 du même Code ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés des premiers juges, que les huit aquarelles litigieuses avaient été données par Henri Y... à sa fille Alix à l'occasion de son mariage et, qu'à cette époque, en 1975, la valeur de l'ensemble était de l'ordre de 70 000 francs ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain qu'elle a estimé, en se plaçant à bon droit à l'époque de la donation, et compte tenu de la fortune d'Henri Y..., qu'il s'agissait de présents d'usage qui n'avaient pas à être rapportés ; que l'arrêt attaqué n'encourt donc pas les critiques des deux premières branches du moyen ; que, d'autre part, c'est encore dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que le bail du 21 novembre 1974 avait une contrepartie, un loyer annuel de 6 990 quintaux de blé-fermage, et a retenu que M. Pierre Y... n'avait pas bénéficié d'un avantage indirect ;

Qu'il s'ensuit qu'en aucune de ses trois branches le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le dernier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Mais sur l'unique moyen du pourvoi incident formé par Mme veuve Y... et M. Pierre Y... :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'en ordonnant le partage des meubles meublants, cheptel vif ou cheptel mort dépendant de la succession, sans répondre aux conclusions par lesquelles il était soutenu que le cheptel constituait un immeuble par destination aux termes de l'article 524 du Code civil et qu'il avait été légué à M. Pierre Y... avec l'ensemble de ce qui servait à l'exploitation agricole, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a compris le cheptel vif et mort dans les biens restant à partager, l'arrêt rendu le 21 avril 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée.



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Cette décision est visée dans la définition :
Don, donation


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