par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 10 novembre 2009, 08-44297
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Cour de cassation, chambre sociale
10 novembre 2009, 08-44.297

Cette décision est visée dans la définition :
Harcèlement moral




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., a été engagée le 6 novembre 1976 en qualité d'employée de bureau par le cabinet d'expertise Beaumont, devenu la société Beaumont Lecolier expertises ; qu'elle a été titulaire d'un mandat de délégué du personnel de 1998 à 2004 ; que, soutenant qu'elle était victime de harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale le 4 mai 2005 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'en cours de procédure, elle a été licenciée, le 24 avril 2006, pour inaptitude ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes tendant à voir constater qu'elle était victime d'un harcèlement moral, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamner l'employeur à lui verser diverses indemnités et rappel de salaires, l'arrêt retient que l'envoi de la lettre où son employeur lui reproche de ne pas avoir appliqué certaines directives était justifié, que la rétrogradation dans un emploi de "frappe" de rapports d'expertise alors qu'elle occupait un poste de secrétaire d'expert procédait d'une réorganisation due à l'application de la réduction du temps de travail, que les certificats médicaux produits n'ont été établis que sur les dires de Mme Claudine X... elle-même et qu'elle ne verse aux débats aucun témoignage direct de nature à établir les brimades, critiques ou humiliations dont elle prétend avoir été l'objet ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir compte de l'ensemble des éléments établis par la salariée, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des textes susvisés, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Beaumont Lecolier expertises aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Beaumont Lecolier expertises à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement mais débouté la salariée de ses demandes tendant à voir constater qu'elle était victime de harcèlement moral, à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, à voir l'employeur condamné en conséquence à lui verser diverses indemnités et rappels de salaires et tendant, subsidiairement, à ce que soit constatée l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et à ce que l'employeur soit condamné à lui verser diverses sommes en conséquence,

AUX MOTIFS QUE à l'appui de sa demande de résiliation de son contrat de travail, Claudine X... invoque des faits de harcèlement qu'elle impute à son employeur ; qu'aux termes de l'article L 122-49 du code du travail, aucun salarié ne soit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que par application des dispositions de l'article L 122-52 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application des dispositions de l'article susvisé, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, les éléments versés aux débats par Claudine X... sont insuffisants pour laisser supposer l'existence du harcèlement invoqué ; qu'en effet, elle verse tout d'abord une lettre qui lui a été adressée le 30 mars 2004 par son employeur, en recommandé avec accusé de réception, et dans laquelle la SAS Beaumont Lecolier Expertises reproche à Claudine X... de n'avoir pas appliqué certaines directives et un manque de rigueur ; que Claudine X... ne conteste pas les faits mentionnés dans ce courrier mais soutient qu'ils ne justifiaient pas l'envoi d'un courrier recommandé, compte tenu notamment de son ancienneté et de son parcours professionnel ; qu'il apparaît cependant que l'envoi d'un tel courrier était justifié ; qu'en tout état de cause, l'ancienneté de Claudine X... ne pouvait mettre cette salariée à l'abri de toute remontrance ; que Claudine X... invoque également le fait qu'elle a été rétrogradée à un simple emploi de frappe de rapports d'expertise alors qu'auparavant, elle occupait des fonctions de secrétaire d'expert ; qu'il résulte des débats et des éléments qui y sont versés que cette organisation a été rendue nécessaire par la mise en place de l'accord de réduction du temps de travail dans l'entreprise, signé par Claudine X... elle-même ; que par ailleurs, il n'apparaît pas que l'attribution de nouvelles tâches à Claudine X... ait constitué une rétrogradation dans la mesure où Claudine X... exerçait toujours un travail de secrétaire ; que spécialement, même après réorganisation de l'entreprise, Claudine X... ne convainc pas de ses tâches et fonctions antérieures ni de ce qu'elles auraient été sérieusement modifiées ; qu'enfin, Claudine X... ne verse aux débats aucun élément de nature à établir l'existence des brimades, critiques ou humiliations dont elle dit avoir fait l'objet de la part de son employeur ; qu'elle ne verse notamment aucun témoignage direct et les certificats produits n'ont été établis que sur les dires de Claudine X... elle-même ; qu'il résulte, au contraire, des nombreuses attestations versées aux débats par la SAS Beaumont Lecolier Expertises, qu'au sein de l'entreprise, l'ambiance de travail était bonne et que c'est Claudine X... qui, de par son attitude, s'est elle-même exclue ; que dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les demandes de Claudine X... relatives à la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

1°) ALORS QUE les juges du fond doivent tenir compte de l'ensemble des éléments établis par le salarié pour mettre à la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas analysé les lettres, invoquées par Mme Y..., qui lui avaient été adressées durant ses congés maladies par son employeur et qui démontraient parfaitement le harcèlement dont elle était victime, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail,

2°) ALORS QUE la cour d'appel, qui retient que de nombreuses attestations établissaient que l'ambiance dans la société était bonne et que Mme Y... s'était elle-même exclue par son attitude, sans en préciser ni l'auteur, ni le contenu, même sommairement, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail,

3°) ALORS QUE la cour d'appel, qui retient que la rétrogradation de l'exposante à un poste de frappe aurait été rendue nécessaire par l'accord de réduction du temps de travail, ce que l'exposante contestait fermement ;
qu'en statuant ainsi, au vu des « débats et des éléments qui y sont versés», sans les préciser, ni les analyser, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail,

4°) ALORS QUE la cour d'appel, qui affirme que les attestations produites par l'exposante n'émanaient pas de témoins directs, bien que celles de Mmes Z... et A... et de M. B... relataient bien des faits auxquels elles avaient personnellement assistées, a dénaturé ces attestations et violé l'article 1134 du Code civil,

ET AUX MOTIFS QUE Claudine X... a été régulièrement licenciée pour inaptitude ; que compte tenu des motifs sus-énoncés, elle ne saurait prétendre que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où son inaptitude n'a pas pour origine des faits de harcèlement ; que ses demandes relatives au licenciement seront également rejetées,

5°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la cour d'appel, qui affirme que le licenciement de l'exposante était valablement causé par son inaptitude, sans constater que son reclassement avait préalablement été tenté et s'était avéré impossible, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.122-14-2 et L. 122-32-5 du code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Harcèlement moral


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.