par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 9 juin 2011, 10-19241
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
9 juin 2011, 10-19.241

Cette décision est visée dans la définition :
Indivision




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 815-3 du code civil, ensemble l'article 117 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un jugement du 28 mai 2008, un tribunal d'instance a dit régulier le congé délivré à Mme X..., locataire d'un bien appartenant en indivision à M. Y..., Mme Y... et Mme Z..., aux droits de leur mère décédée, et ordonné son expulsion avec exécution provisoire ; que, le 7 juillet 2008, un commandement de quitter les lieux a été délivré à Mme X...à la demande de l'indivision Y..., représentée par la société Cabinet Tordo, et que, par un arrêt irrévocable du 4 décembre 2008, le jugement du 28 mai 2008 a été confirmé en ce qu'il avait déclaré valable le congé et des délais accordés à Mme X...jusqu'en juin 2010 pour libérer l'appartement ; que Mme X...a contesté la validité du commandement de quitter les lieux ;

Attendu que, pour rejeter la demande de nullité du commandement, l'arrêt retient que l'acte a été signifié régulièrement au nom et pour le compte de l'indivision Y... en droit de se faire représenter par la société Cabinet Tordo, titulaire d'un mandat pour gérer le bien immobilier en indivision, et en parfaite connaissance de cause de Mme X..., et d'autre part que celle-ci avait bénéficié de fait d'un délai de deux années pour se reloger ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acte avait été délivré par une indivision, laquelle est dépourvue de la personnalité juridique, de sorte qu'il était affecté d'une irrégularité de fond entraînant sa nullité à défaut de régularisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a statué à nouveau sur les délais pour quitter les lieux, l'arrêt rendu le 19 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne le Cabinet Tordo, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X...;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour Mme X....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X...de sa demande tendant à voir annuler un commandement de quitter les lieux en date du 7 juillet 2008 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Nice, relevant d'une part que la validité du commandement de quitter les lieux délivré à Madame X...sur le fondement d'un jugement du Tribunal d'instance de Nice du 28 mai 2008, qui a ordonné son expulsion de l'appartement sis ..., devait être confirmée en l'état de la signification régulière de l'acte au nom et pour le compte de l'indivision Y... en droit de se faire représenter par la SA CABINET TORDO, titulaire d'un mandat pour gérer le bien immobilier en indivision et en parfaite connaissance de cause de Madame X..., et d'autre part que celle-ci avait bénéficié « de fait d'un délai de deux années pour se reloger.., amplement suffisant pour qui a réellement la volonté de le faire », a, par jugement dont appel du 6 octobre 2008, rejeté sa demande de délai d'un an pour quitter les lieux ;

AUX MOTIFS ENCORE QU'il sera relevé que la Cour d'Aix-en-Provence, saisie d'un appel interjeté par Madame X...à l'encontre du jugement susmentionné du 28 mai 2008, l'a, par arrêt du 4 décembre 2008, confirmé en ce qu'il a déclaré valable le congé délivré à l'intéressée, et néanmoins réformé pour le surplus en accordant à Madame X...un délai de 18 mois à compter de la date de l'arrêt pour quitter les lieux, avec obligation durant cette période de s'acquitter d'une indemnité d'occupation d'un montant égal au loyer dû le 31 décembre 2006 ; que cet arrêt a également écarté l'argumentation de Madame X...des chefs de la prétendue incapacité à agir de l'indivision Y... et des pouvoirs donnés au CABINET TORDO, si bien que sa demande tendant en cause d'appel à voir « dire et juger nul et de nul effet par application de l'article 117 du Code de procédure civile l'acte comportant commandement de quitter les lieux » faute pour ladite indivision d'avoir la « personnalité juridique », ne saurait prospérer eu égard à l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt, à l'encontre duquel il n'est pas allégué qu'un pourvoi en cassation ait été formé ; qu'il convient ainsi, en fonction de ces éléments et de l'évolution procédurale du présent litige, d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a rejeté la demande de délais formée par Madame X..., bénéficiaire du temps susmentionné de 18 mois expirant le 4 juin 2010, sauf effectivité de son départ annoncé par lettre officielle de son avoué adressée le 27 janvier 2010 à l'avoué des intimés, comme ayant « pu enfin trouver un nouveau logement » avec un déménagement, et, en revanche, de le confirmer en toutes ses autres dispositions afférentes à la validité tant du commandement de quitter les lieux que du mandat donné par l'indivision Y... à la SA Cabinet TORDO ;

ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE toutes les parties ayant comparu, il convient de statuer en application de l'article 467 du nouveau Code de procédure civile, par jugement contradictoire et en premier ressort, eu égard à la nature et au montant de la demande ; que le commandement en date du 7 juillet 2008 a été délivré à la demande de : « L'indivision Y... représentée par la SA CABINET TORDO dont le siège est ... ..., agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège, l'indivision Y... venant aux droits de Madame Y...Louise décédée à Nice le 2 juillet 2001 … » ; que Madame X...soutient que cet acte est nul en application de l'article 117 du Code de procédure civile qui dispose que constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice ; que pour répondre à cette affirmation, il convient de partir du fait incontestable qu'une indivision n'a pas la personnalité morale, et de constater que l'acte n'a pas été pris seulement « à la demande de l'indivision », cas dans lequel la nullité pourra être encourue ; qu'en effet, les indivisaires doivent, pour faire valoir leur droit en justice, se faire représenter, par exemple par l'un deux ou par un tiers, la règle de principe étant, le choix de ce mandataire à l'unanimité des indivisaires ; qu'en l'espèce, il est incontestable que depuis des années les consorts Y... ont donné mandat à la SA CABINET TORDO pour gérer le bien immobilier en indivision ; que ce mandat est parfaitement connu par Madame X..., qui en conteste nullement la validité ; qu'il apparaît donc qu'il n'y a aucun défaut de pouvoir qui entraînerait sanction par l'article 117 du Code de procédure civile ; que si le Tribunal a bien reçu, comme il l'avait autorisé à l'audience, par note en délibéré le 3 septembre 2008, plusieurs arrêts de la Cour de cassation, l'étude de ces décisions n'est pas même utile, les cas d'espèce étant différents de la présente affaire ; que le simple rappel du fonctionnement normal d'une indivision, qui ne peut agir que par un mandataire, rend inopérant l'argument de la demanderesse pour tenter de bénéficier de l'article 117 et d'une nullité de fond alors qu'il n'existe pas de nullité de forme et qu'au vu des multiples procédures opposant les parties, il est évident que chacun connaît parfaitement son adversaire et qu'aucun grief ne peut être allégué avec sérieux par Madame X...; que de plus, le libellé de l'acte, que le Tribunal de céans prend la peine de reproduire in extenso, est particulièrement précis et clair et informe parfaitement son destinataire, en sorte que sa validité doit être confirmée ;

ALORS QUE, D'UNE PART, l'indivision n'a pas la personnalité juridique et les défauts d'incapacité d'ester en justice constituent une irrégularité de fond qui ne requiert la preuve d'aucun grief ; que dès lors un huissier instrumentaire ne peut valablement délivrer un commandement de quitter les lieux au nom d'une indivision dépourvue de toute capacité d'ester en justice, fût-ce à la demande d'une société qui représente l'indivision ; qu'en décidant le contraire, à la faveur de motifs inopérants, la Cour viole les articles 815-3 du Code civil, ensemble 114 et 117 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, l'autorité de la chose jugée ne concerne que des litiges ayant le même objet ; qu'un litige portant sur la contestation d'un congé et le litige portant sur la contestation d'un commandement de payer ont nécessairement deux objets distincts en opposant cependant l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour d'Aix-en-Provence du 4 décembre 2008 qui avait déclaré valable un congé à la démonstration de l'appelant qui contestait la validité d'un commandement de quitter les lieux, la Cour viole l'article 1351 du Code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.