par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 16 juin 2011, 09-72679
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
16 juin 2011, 09-72.679

Cette décision est visée dans la définition :
Contrat




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la SAFER d'Auvergne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le conservateur des hypothèques ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 22 octobre 2009), que la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auvergne (la SAFER), après avoir préempté des parcelles données à bail rural à M. X..., a notifié à ce dernier deux projets de rétrocession d'une partie de ces parcelles puis lui a notifié deux projets rectificatifs annulant les premiers ; que la SAFER a également notifié à M. X... la vente d'une dernière parcelle ; que, soutenant avoir exercé son droit de préemption avant l'envoi des notifications rectificatives et considérant que la vente était intervenue en fraude à ses droits, M. X... a agi en annulation de la vente et en reconnaissance de son droit de propriété sur les parcelles préemptées ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions d'appel de la SAFER que celle-ci ait soutenu que le tribunal paritaire des baux ruraux n'était pas compétent pour connaître des conditions d'exercice, par le preneur en place, de son droit de préemption, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que pour l'exercice de son droit de préemption, la SAFER invoquait les objectifs suivants : " 1° Installation, réinstallation ou maintien des agriculteurs, 2° Agrandissement des exploitations existantes et amélioration de leur réparation parcellaire " et qu'il n'était pas contesté que le rétrocessionnaire choisi était un homme de 77 ans demeurant en ville et retiré de la vie professionnelle active, la cour d'appel a pu, sans modification de l'objet du litige, ni violation du principe de la contradiction ou dénaturation, en déduire que la SAFER avait détourné l'exercice du droit de préemption ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Vu l'article L. 412-8 du code rural ;

Attendu que le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption ; que sa réponse doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption ;

Attendu que pour déclarer M. X... propriétaire des biens mis en vente par la SAFER, l'arrêt, qui relève que les offres initiales de celle-ci ont été acceptées par M. X... antérieurement à la réception des offres rectificatives, retient qu'en l'absence de stipulation contraire, une convention est destinée à devenir parfaite non par la réception par le pollicitant de l'acceptation de l'autre partie mais par l'émission par celle-ci de l'acceptation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la formation du contrat était subordonnée à la connaissance de l'acceptation de l'offre par le pollicitant et qu'elle avait constaté qu'à la date de la notification des offres rectificatives, la réponse du preneur sur les offres initiales n'était pas parvenue au propriétaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente, par la SAFER d'Auvergne au profit de M. Y..., de la parcelle cadastrée section A n° 458 intervenue le 5 juillet 2007, l'arrêt rendu le 22 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la SAFER d'Auvergne la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la SAFER d'Auvergne

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation de la vente par la Safer d'Auvergne au profit de M. Y... de la parcelle cadastrés section A 458 de 43 ares et 99 centiares provenant de la division de la parcelle section A 442 intervenue le 5 juillet 2007 ;

AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne la vente à M. Y..., la Safer d'Auvergne justifie avoir fait adresser par Me Z... en recommandé une lettre du 28 février notifiant a vente d'une parcelle de terre sise commune de Saint Éloy d'Allier (Allier) Saint-Éloy cadastrée section A n° 442 (partie) pour 43 a 99 ca ; que M. X... a signé l'avis de réception le 2 mars 2007, selon la mention dudit avis ; que dans ses deux courriers manifestant son intention d'exercer son droit de préemption il ne fait aucune allusion ni à cette notification ni à cette partie de la parcelle A 442 ; qu'il ne conteste pas la régularité de la notification ; que toutefois il peut contester la légitimité de la rétrocession au profit de M. Y... ; que la notification de l'exercice de son droit de préemption par la Safer, datée du 4 septembre 2006 invoquait les objectifs suivants « 1° installation réinstallation ou maintien des agriculteurs, 2° agrandissement des exploitations existantes et amélioration de la répartition parcellaire » ; que la Safer ne conteste pas les affirmations de M. X... concernant le rétrocessionnaire choisi à savoir un homme âgé de 77 ans demeurant en ville et retiré de la vie professionnelle active ;
qu'elle a ainsi détourné l'exercice de son droit de préemption pour un motif dépourvu de légitimité, et que c'est à juste titre que les premiers juges, certes de façon excessivement lapidaire, ont annulé cet rétrocession ; que toutefois il n'appartient pas à la cour de désigner le rétrocessionnaire ni d'attribuer au seul M. X... le bénéfice de cette annulation et que le jugement sera réformé de ce chef ;

1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en affirmant que M. X... pouvait contester la légitimité de la rétrocession au profit de M. Y..., quand il ressortait non seulement des conclusions des parties mais aussi des propres énonciations de l'arrêt attaqué résumant les prétentions des parties que le débat n'avait porté que sur les conditions d'exercice du droit de préemption du preneur en place et non sur la conformité aux objectifs légaux de la décision de la Safer, la cour d'appel qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré d'un détournement de pouvoir prétendument commis par la Safer, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE le tribunal s'est borné à annuler la vente du 5 juillet 2007 régularisée entre la Safer et M. Y..., et à dire que M. X... « (…)
remplissait les conditions pour être attributaire et qu'il sera donc substitué comme rétrocessionnaire à M. Y... Jean » ; qu'en affirmant que le tribunal avait à juste titre annulé la rétrocession pour détournement de pouvoir, quand il ne ressort ni des motifs ni même du dispositif de la décision déférée que le tribunal paritaire des baux ruraux ait entendu annuler la décision de rétrocession de la Safer pour détournement de pouvoir, la cour d'appel a dénaturé ce jugement et violé l'article 1134 du code civil ;

4) ALORS QUE si les tribunaux paritaires des baux ruraux sont compétents pour connaître des conditions d'exercice par le preneur en place de son droit de préemption, les contestations portant sur la régularité d'une opération de préemption ou de rétrocession d'une Safer relèvent, en revanche, de la compétence du tribunal de grande instance ; que par une ordonnance du 21 mai 2008, le tribunal de grande instance initialement saisi par M. X... s'est déclaré incompétent au profit du tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'en considérant que le tribunal paritaire des baux ruraux avait, à juste titre, annulé la rétrocession de la Safer pour détournement de pouvoirs, quand ce contentieux échappe à la compétence d'attribution de cette juridiction, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L 491-1 du code rural ;

5) ALORS en toute hypothèse QU'une Safer peut retenir, pour motiver une décision de rétrocession, des objectifs différents de ceux visés dans la décision de préemption ; qu'en déduisant l'existence d'un détournement de pouvoir du seul constat que M. Y... ne satisfaisait pas aux objectifs de préemption, la cour d'appel a violé l'article L 143-2 du code rural.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté l'accord sur la chose le prix entre la Safer et M. X... en réponse à la notification adressée à ce dernier le 4 avril 2007 par Me A..., notaire et d'AVOIR, en conséquence, déclaré M. X... propriétaire des biens mis en vente par la Safer suivant notification du 4 avril 2007 portant sur des parcelles d'une superficie totale de 28 hectares, 90 ares et 23 centiares moyennant un prix de 96. 956, 02 € TTC ;

AUX MOTIFS QUE (…) si l'article L 412-8 du code rural impose aux preneurs d'exercer son droit de préemption par notification parvenue au vendeur avant l'expiration du délai de deux mois imparti, il ne modifie en rien les prescriptions générales en matière de computation des délais et que rien ne permet d'en déduire que dans cette matière la volonté du preneur ne peut être prise en considération qu'à partir seulement du jour où elle est parvenue au vendeur ; que en l'absence de stipulation contraire, une convention est destinée à devenir parfait non par la réception par le pollicitant de l'acceptation de l'autre partie, mais par l'émission par celle-ci de cette acceptation ; qu'il n'y avait aucune stipulation contraire dans les offres notifiées ; que en l'espèce, pour les deux ventes litigieuses, les secondes notifications indiquaient que la première était annulée purement et simplement et que la nouvelle offre faisait courir dans les deux cas un nouveau délai de deux mois ; qu'il appartient donc à la Safer, auteur des offres acceptées et retirées et qui soutient que les acceptations de ces offres par M. X... étaient sans portée, de justifier qu'elle a retiré ses premières offres avant leur acceptation ; que l'offre du 4 avril 2007 a été acceptée par lettre du 30 avril antérieurement à la réception par M. X... de la nouvelle offre le 2 mai, date qui seule pouvait faire courir un nouveau délai d'acceptation ; que cette vente est donc devenue parfaite le 30 avril et que le jugement doit être confirmé sur ce point (…) ;

1) ALORS QUE l'article L 412-8 du code rural prévoit que le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués et que cette réponse « doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois ci-dessus visé, à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption » ; qu'en considérant que ce texte ne fait pas obstacle à l'application des règles du droit commun selon lesquelles un contrat par correspondance est formé, sauf stipulation contraire, dès l'émission de l'acceptation de l'offre, la cour d'appel a violé l'article L 412-8 du code rural ;

2) ALORS QUE le propriétaire peut toujours modifier ses prétentions pendant le délai de deux mois laissé au preneur en place pour préempter ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Safer a modifié, le 2 mai 2007, l'offre de vente qu'elle avait adressée à M. X... le 4 avril précédent ; qu'en considérant que les modifications notifiées par la Safer à M. X..., dans le délai de deux mois des notifications initiales, ne pouvaient pas être prises en compte, la cour d'appel a violé l'article L 412-9 du code rural ;

3) ALORS QUE si la date de la notification par voie postale est à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition, elle est à l'égard de celui à qui elle est faite celle de la réception de la lettre ; qu'ainsi, le vendeur peut modifier les conditions de la vente jusqu'à ce que la préemption du preneur en place lui ait été notifiée, c'est-à-dire jusqu'à la réception de la lettre l'informant de l'exercice de ce droit ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 668 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté l'accord sur la chose le prix entre la Safer et M. X... en réponse à la notification adressée à ce dernier le 22 mars 2007 par Me Z... et B..., notaires associés et d'AVOIR, en conséquence, déclaré M. X... propriétaire des biens mis en vente par la Safer suivant notification du 22 mars portant sur diverses parcelles de terre situées à Saint-Éloy-d'Allier pour une contenance totale de 34 hectares, 78 ares et 97 centiares moyennant un prix de 88. 942, 87 € TTC ;

AUX MOTIFS QUE (…) si l'article L 412-8 du code rural impose aux preneurs d'exercer son droit de préemption par notification parvenue au vendeur avant l'expiration du délai de deux mois imparti, il ne modifie en rien les prescriptions générales en matière de computation des délais et que rien ne permet d'en déduire que dans cette matière la volonté du preneur ne peut être prise en considération qu'à partir seulement du jour où elle est parvenue au vendeur ; que en l'absence de stipulation contraire, une convention est destinée à devenir parfait non par la réception par le pollicitant de l'acceptation de l'autre partie, mais par l'émission par celle-ci de cette acceptation ; qu'il n'y avait aucune stipulation contraire dans les offres notifiées ; que en l'espèce, pour les deux ventes litigieuses, les secondes notifications indiquaient que la première était annulée purement et simplement et que la nouvelle offre faisait courir dans les deux cas un nouveau délai de deux mois ; qu'il appartient donc à la Safer, auteur des offres acceptées et retirées et qui soutient que les acceptations de ces offres par M. X... étaient sans portée, de justifier qu'elle a retiré ses premières offres avant leur acceptation (…) ; que l'offre du 22 mars 2007 a été acceptée par lettre du 27 avril et que c'est ce même jour que M. X... a reçu la notification du retrait de la première offre et de la présentation de l'offre modifiée ; que la Safer ne justifie pas que la réception de ce retrait a précédé l'émission de l'acceptation et que le jugement doit être confirmé sur ce point également (…) ;

1) ALORS QUE l'article L 412-8 du code rural prévoit que le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués et que cette réponse « doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois ci-dessus visé, à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption » ; qu'en considérant que ce texte ne fait pas obstacle à l'application des règles du droit commun selon lesquelles un contrat par correspondance est formé, sauf stipulation contraire, dès l'émission de l'acceptation de l'offre, la cour d'appel a violé l'article L 412-8 du code rural ;

2) ALORS QUE le propriétaire peut toujours modifier ses prétentions pendant le délai de deux mois laissé au preneur en place pour préempter ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Safer a modifié, le 27 avril 2007, l'offre de vente qu'elle avait adressée à M. X... le 22 mars précédent ; qu'en considérant que les modifications notifiées par la Safer à M. X..., dans le délai de deux mois des notifications initiales, ne pouvaient pas être prises en compte, la cour d'appel a violé l'article L 412-9 du code rural ;

3) ALORS QUE si la date de la notification par voie postale est à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition, elle est à l'égard de celui à qui elle est faite celle de la réception de la lettre ; qu'ainsi, le vendeur peut modifier les conditions de la vente jusqu'à ce que la préemption du preneur en place lui ait été notifiée, c'est-à-dire jusqu'à la réception de la lettre l'informant de l'exercice de ce droit ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 668 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.