par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 12 octobre 2011, 11-11058
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 octobre 2011, 11-11.058

Cette décision est visée dans la définition :
Arbitrage




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2010), que la société française Elf Neftegaz, filiale de la société Elf Aquitaine, a conclu avec la société russe Interneft un contrat de coopération pour l'exploration et l'exploitation de gisements d'hydrocarbures, contresigné par le ministre des combustibles et de l'énergie de la Fédération de Russie et par les représentants des régions de Saratov et de Volgograd ; que ce contrat contenait une clause compromissoire ; que la société Elf Neftegaz ayant été dissoute, M. X... a, par ordonnance du 28 juillet 2009, été nommé en qualité de mandataire ad hoc pour la représenter dans la procédure d'arbitrage à venir ; que le 3 août 2009 les régions de Saratov et de Volgograd ont mis en oeuvre la procédure d'arbitrage et désigné M. Y... comme arbitre ; que M. X..., ès qualités, a désigné M. Z... et MM. Z... et Y... ont désigné M. A... comme troisième arbitre ; que l'ordonnance du 28 juillet 2009 désignant M. X... comme mandataire ad hoc de la société Elf Neftegaz a été rétractée le 18 septembre 2009 ; que les sociétés Elf Aquitaine et Total ont assigné les arbitres en référé pour qu'il leur soit fait interdiction de poursuivre leur mission ;

Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que les sociétés Elf Aquitaine et Total font grief à l'arrêt d'avoir déclaré leur action irrecevable alors, selon le moyen :

1°/ que le président du tribunal peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la fraude corrompt tout ; que les sociétés Elf Aquitaine et Total ont saisi le juge des référés en exposant que l'arbitrage mis en oeuvre par des personnes dont aucune n'avait été partie au contrat contenant la clause compromissoire était factice et n'avait été organisé que dans le but de réaliser une extorsion à leur encontre, si bien qu'en se bornant, pour déclarer irrecevable l'action des sociétés Elf Aquitaine et Total, à une formule de style rappelant l'absence de pouvoir du juge étatique français pour intervenir dans une instance arbitrale se déroulant à l'étranger, sans s'expliquer sur la fraude invoquée, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 809 du code de procédure civile ainsi que le principe fraus omnia corrumpit ;

2°/ que les sociétés Elf Aquitaine et Total faisaient valoir que l'arbitrage mis en oeuvre par des personnes dont aucune n'avait été partie au contrat contenant la clause compromissoire était un simulacre organisé dans le but de réaliser une extorsion à leur encontre, si bien qu'en se bornant à énoncer qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge étatique français d'intervenir à propos d'une instance arbitrale se déroulant à l'étranger sans s'expliquer sur la fraude invoquée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'aux termes de l'article 27 du contrat tout litige s'y rapportant sera tranché par voie d'arbitrage ad hoc conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), que l'autorité de nomination sera l'Institut d'arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm, que le lieu de l'arbitrage sera Stockholm et que la langue à utiliser pour la procédure d'arbitrage sera l'anglais, ce dont il résultait que le tribunal arbitral était une juridiction internationale autonome, la cour d'appel a, par ce seul motif, exactement décidé qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge étatique français d'intervenir dans le déroulement d'une instance arbitrale internationale ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le premier moyen et la troisième branche du second moyen, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Elf Aquitaine et Total aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Elf Aquitaine et Total à payer une somme totale de 5 000 euros à MM. Y..., Z... et A... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour les de la société ELF Aquitaine , de la société Total

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action des Sociétés ELF AQUITAINE et TOTAL ;

AUX MOTIFS QUE « l'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis ; que le ministère public a présenté des observations orales à l'audience»

ET AUX MOTIFS QU'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge étatique français d'intervenir à propos d'une instance arbitrale pour faire obstacle à son déroulement, dès lors que le Tribunal arbitral, devant lequel se déroule cette instance, siège à STOCKHOLM selon les règles de procédure définies par la CNUDCI ; qu'il s'ensuit que l'action des Sociétés ELF AQUITAINE et TOTAL tendant à voir interdire aux arbitres composant le Tribunal arbitral de poursuivre leur mission et à voir ordonner aux arbitres la transmission d'un acte confirmant la suspension de leur mission est irrecevable ;

ALORS QU'il résulte de l'article 455 du Code de procédure civile que le jugement doit être motivé et exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; que l'arrêt qui mentionne que l'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Madame TRAPERO, substitut général, qui a fait connaître son avis, n'expose pas la teneur de cet avis ; qu'ainsi, l'arrêt a méconnu le texte précité et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action des Sociétés ELF AQUITAINE et TOTAL ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 27 du contrat conclu entre la Société ELF NEFTEGAZ, d'une part, et la Société INTERNEFT, la région de VOLGOGRAD, la région de SARATOV et le ministère des combustibles et de l'énergie de la Fédération de Russie, d'autre part, le litige se rapportant au contrat, à sa résolution ou à sa nullité sera tranché par voie d'arbitrage ad hoc conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) ; que cet article précise aussi que l'autorité de nomination sera l'institut d'arbitrage de la chambre de commerce de STOCKHOLM, que le nombre des arbitres est fixé à trois, que le lieu de l'arbitrage est STOCKLHOM et que la langue à utiliser pour la procédure d'arbitrage sera l'anglais ; qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge étatique français d'intervenir à propos d'une instance arbitrale pour faire obstacle à son déroulement, dès lors que le Tribunal arbitral devant lequel se déroule cette instance siège à STOCKHOLM selon les règles de procédure définies par la CNUDCI ; qu'il s'ensuit que l'action des Sociétés ELF AQUITAINE et TOTAL tendant à voir interdire aux arbitres composant le Tribunal arbitral de poursuivre leur mission et avoir ordonné aux arbitres la transmission d'un acte confirmant la suspension de leur mission est irrecevable ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le président du Tribunal peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la fraude corrompt tout ; que les Sociétés ELF AQUITAINE et TOTAL ont saisi le juge des référés en exposant que l'arbitrage mis en oeuvre par des personnes dont aucune n'avait été partie au contrat contenant la clause compromissoire était factice et n'avait été organisé que dans le but de réaliser une extorsion à leur encontre, si bien qu'en se bornant, pour déclarer irrecevable l'action des Sociétés ELF AQUITAINE et TOTAL, à une formule de style rappelant l'absence de pouvoir du juge étatique français pour intervenir dans une instance arbitrale se déroulant à l'étranger, sans s'expliquer sur la fraude invoquée, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 809 du Code de procédure civile ainsi que le principe fraus omnia corrumpit ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les Sociétés ELF AQUITAINE et TOTAL faisaient valoir que l'arbitrage mis en oeuvre par des personnes dont aucune n'avait été partie au contrat contenant la clause compromissoire était un simulacre organisé dans le but de réaliser une extorsion à leur encontre, si bien qu'en se bornant à énoncer qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge étatique français d'intervenir à propos d'une instance arbitrale se déroulant à l'étranger sans s'expliquer sur la fraude invoquée, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ET ALORS QUE la poursuite de sa mission par un arbitre en connaissance de l'irrégularité de sa nomination, affectant irrévocablement la constitution du Tribunal arbitral en son entier, constitue un trouble manifestement illicite que le président du Tribunal doit faire cesser, si bien qu'en déclarant irrecevable l'action des Sociétés ELF AQUITAINE et TOTAL tout en constatant l'irrégularité de la nomination de Monsieur Z... en qualité d'arbitre, la Cour d'appel a méconnu l'article 809 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Arbitrage


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.