par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 15 mai 2013, 11-27458
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Cour de cassation, chambre sociale
15 mai 2013, 11-27.458

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité joint les pourvois n° s Y 11-27. 458, Z 11-27. 459, A 11-27. 460, B 11-27. 461, C 11-27. 462, D 11-27. 463, E 11-27. 464, F 11-27. 465, H 11-27. 466, G 11-27. 467, J 11-27. 468, K 11-27. 469, M 11-27. 470, N 11-27. 471 et P 11-27. 472 ;

Sur le moyen unique, commun aux pourvois :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Pau, 3 octobre 2011), que la société Sony France qui exerçait ses activités dans les établissements de Paris, Ribeauvillé et Pontonx-sur-l'Adour, a décidé la fermeture de ce dernier établissement dont tous les salariés ont été licenciés pour motif économique ; que des salariés ont saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société fait grief aux arrêts de la condamner à payer à chaque salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements, alors, selon le moyen,

1°) qu'en cas de fermeture d'un site constitutif d'un établissement distinct d'une entreprise à structure complexe qui en comporte plusieurs, le cadre d'application des critères d'ordre de licenciement est l'établissement concerné par le projet de licenciement collectif pour motif économique et non l'entreprise dans sa globalité ; qu'il s'ensuit que l'ordre des licenciements ne s'applique pas lorsque tous les emplois d'un établissement sont supprimés en raison de sa fermeture ; qu'en reprochant à la société Sony France qui comprenait trois établissements autonomes de ne pas avoir appliqué les critères d'ordre de licenciement à l'ensemble du personnel de l'entreprise Sony quand il est constant que seul l'établissement de Pontonx-sur-l'Adour était affecté par la fermeture du site et la suppression corrélative de tous les postes de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail ;

2°) qu'en écartant l'application des critères d'ordre de licenciement au niveau du seul établissement de Pontonx-sur-l'Adour qui fait l'objet d'une fermeture de site au motif que « l'employeur a fait ainsi supporter aux seuls salariés de l'établissement concerné les conséquences de son choix d'une spécialisation de cet établissement sur un produit devenu obsolète du fait d'une évolution technique », la cour d'appel, qui n'avait pas à s'immiscer dans les choix économiques opérés par la société Sony, a excédé ses pouvoirs et a statué par un motif inopérant, violant l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1233-5 du code du travail ;

3°) que le salarié ne peut prétendre à la réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi que s'il démontre que la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements lui aurait évité un licenciement ; qu'en l'espèce la société Sony a fait valoir que la fermeture de l'établissement de Pontonx-sur-l'Adour avait entraîné la suppression de tous les postes de travail et qu'en raison même de l'éloignement des deux autres établissements situés l'un à Paris et l'autre à Ribeauvillé en Alsace, aucun salarié de l'établissement de Pontonx-sur-l'Adour n'aurait accepté d'être muté pour remplacer un salarié dont le poste aurait été supprimé par application des critères de licenciement au niveau de l'entreprise ; qu'en allouant à chaque salarié protégé une somme de plus de six mois de salaire sans que ce dernier ait démontré que la détermination de critères d'ordre de licenciement au niveau de l'entreprise lui aurait permis de conserver son emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail ;

Mais attendu que sauf accord collectif conclu au niveau de l'entreprise ou à un niveau plus élevé, les critères déterminant l'ordre des licenciements doivent être mis en oeuvre à l'égard de l'ensemble du personnel de l'entreprise ;

Et attendu qu'après avoir constaté que la société Sony n'avait pas appliqué de critères d'ordre de licenciement dans la mesure où tous les postes de l'établissement de Pontonx-sur-l'Adour étaient supprimés, la cour d'appel a en exactement déduit que la violation de cette règle entraînait pour les salariés un préjudice qu'elle a souverainement apprécié ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Sony France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à MM. X..., Y..., Mme Z..., MM. A..., B..., C..., D..., E..., Mme F..., MM. G..., H..., Mme I..., M. J..., Mmes K... et L... la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille treize.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit aux pourvois n° Y 11-27. 458 au n° P 11-27. 472 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Sony France

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués D'AVOIR condamné la société Sony France, succursale de Sony Europe Limited, à payer à chaque salarié une somme à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre des licenciements qu'elle a assortie d'intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE les critères retenus pour fixer l'ordre de licenciement s'apprécient par catégorie professionnelle pour l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, sans que l'application de ces critères puisse être limitée aux seuls salariés de l'établissement concerné par les suppressions d'emplois, quand bien même une telle limitation serait prévue par un accord d'établissement approuvé par le comité d'établissement ; que le salarié soutient que l'employeur a violé les critères d'ordre de licenciement en décidant qu'il n'y avait pas lieu d'établir de tels critères ; qu'au contraire, la société Sony soutient que le projet de licenciement collectif n'ayant un impact que sur le seul établissement de Dax, les critères d'ordre des licenciements pouvaient être définis et appliqués au niveau de ce seul établissement autonome, et n'avaient pas, en l'espèce, à être appliqués dans la mesure où tous les postes de l'établissement étaient supprimés ; qu'il ressort de la « note d'information du comité central d'entreprise de la société Sony France et du comité d'établissement de Dax sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et de plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre du projet de cessation des activités de l'usine de Pontonx-sur-l'Adour-Livre III », dans sa version du 12 mars 2009, que l'employeur, après avoir rappelé les conditions d'application des critères d'ordre des licenciements et leurs modalités d'application, a indiqué (page 13/ 73) que « les critères d'ordre de licenciement n'auront pas lieu de s'appliquer aux salariés occupant des postes supprimés dans le cadre du projet d'arrêt des activités de l'établissement de Sony Dax TEC, dans la mesure où, en dehors des postes transférés, tous les autres postes de cet établissement sont supprimés » ; qu'ainsi, en n'appliquant pas les critères d'ordre de licenciement à l'ensemble du personnel de l'entreprise, l'employeur a fait supporter aux seuls salariés de l'établissement concerné les conséquences de son choix d'une spécialisation de cet établissement sur un produit devenu obsolète du fait d'une évolution technique dont les conséquences ont fait peser une menace sur la compétitivité du secteur d'activité de l'entreprise qui a motivé le licenciement économique ; que par conséquent, il y a lieu de dire que la violation par l'employeur des critères d'ordre des licenciements, si elle n'a pas pour conséquence de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en revanche, elle cause pour le salarié un préjudice, qui peut aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, et qui doit être intégralement réparé ;

1°/ ALORS QU'en cas de fermeture d'un site constitutif d'un établissement distinct d'une entreprise à structure complexe qui en comporte plusieurs, le cadre d'application des critères d'ordre de licenciement est l'établissement concerné par le projet de licenciement collectif pour motif économique et non l'entreprise dans sa globalité ; qu'il s'ensuit que l'ordre des licenciements ne s'applique pas lorsque tous les emplois d'un établissement sont supprimés en raison de sa fermeture ; qu'en reprochant à la société Sony France qui comprenait trois établissements autonomes de ne pas avoir appliqué les critères d'ordre de licenciement à l'ensemble du personnel de l'entreprise Sony quand il est constant que seul l'établissement de Pontonx-sur-l'Adour était affecté par la fermeture du site et la suppression corrélative de tous les postes de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail ;

2°/ ALORS qu'en écartant l'application des critères d'ordre de licenciement au niveau du seul établissement de Pontonx-sur-l'Adour qui fait l'objet d'une fermeture de site au motif que « l'employeur a fait ainsi supporter aux seuls salariés de l'établissement concerné les conséquences de son choix d'une spécialisation de cet établissement sur un produit devenu obsolète du fait d'une évolution technique », la cour d'appel, qui n'avait pas à s'immiscer dans les choix économiques opérés par la société Sony, a excédé ses pouvoirs et a statué par un motif inopérant, violant l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1233-5 du code du travail ;

3°/ ALORS QU'en tout état de cause, le salarié ne peut prétendre à la réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi que s'il démontre que la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements lui aurait évité un licenciement ; qu'en l'espèce la société Sony a fait valoir que la fermeture de l'établissement de Pontonx-sur-l'Adour avait entraîné la suppression de tous les postes de travail et qu'en raison même de l'éloignement des deux autres établissements situés l'un à Paris et l'autre à Ribeauvillé en Alsace, aucun salarié de l'établissement de Pontonx-sur-l'Adour n'aurait accepté d'être muté pour remplacer un salarié dont le poste aurait été supprimé par application des critères de licenciement au niveau de l'entreprise ; qu'en allouant à chaque salarié protégé une somme de plus de six mois de salaire sans que ce dernier ait démontré que la détermination de critères d'ordre de licenciement au niveau de l'entreprise lui aurait permis de conserver son emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.