par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 9 juillet 2014, 13-20356
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 juillet 2014, 13-20.356

Cette décision est visée dans la définition :
Société




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause, sur sa demande, la société BNP Paribas ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 1415 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 28 juin 2012, pourvoi n° 11-17. 058), que, par acte sous seing privé, M. X... a consenti un prêt à MM. Y... et Z... déclarant agir pour le compte de la société 2 Be Finances en formation, qu'après son immatriculation, la société n'a pas repris l'engagement souscrit, qu'un jugement ayant condamné M. Y... au paiement de la moitié de la somme remboursée au prêteur par M. Z..., celui-ci a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur des immeubles dépendant de la communauté des époux Y... et leur a fait délivrer un commandement de payer valant saisie-immobilière, qu'un jugement a ordonné la mainlevée de la saisie ;

Attendu que, pour infirmer ce jugement et dire que le commandement de payer est régulier, l'arrêt retient que M. Y... n'a souscrit aucun emprunt personnel et n'a reçu aucune somme, qu'il est tenu envers son coassocié fondateur de la société en formation par l'effet des dispositions des articles 1843 du code civil et L. 210-6 du code de commerce, qui instaurent un régime de solidarité indéfinie et solidaire de l'associé fondateur pour la société commerciale, que le fondateur n'est donc pas tenu personnellement pour s'y être engagé par contrat et n'est nullement tenu en vertu d'une qualité d'emprunteur qui est inexistante ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de reprise par la société, après son immatriculation, du prêt souscrit par son fondateur, celui-ci est personnellement tenu, en qualité d'emprunteur, des obligations qui en découlent, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par refus d'application ;

Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 novembre 2010 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris ;
Condamne M. Z... aux dépens incluant ceux afférents aux instances devant les juridictions du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ; rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme A...
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de Madame A... tendant à faire constater la nullité de l'engagement de Monsieur Y..., décidé que le commandement aux fins de saisie était régulier et renvoyé les parties devant le juge l'exécution du Tribunal de grande instance de PARIS pour que la procédure de saisie immobilière soit poursuivie ;
AUX MOTIFS QU'« il convient de rappeler que le prêt litigieux du 9 juin 2004 a été consenti par M. X... à la société en formation 2 BE FINANCES, représentée par l'acte de MM. Guy Y... et Jean-Claude Z..., futurs membres du Directoire, et ce treize jours avant la régularisation des statuts de la SA emprunteuse ; qu'en application de l'article 1843 du Code civil, « les personne qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peur reprendre les engagements souscrits qui sont alors réputé avoir été dès l'origine contractés par celle-ci » ; que pour les sociétés commerciales, l'article L210-6 du Code de commerce énonce « que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits » ; qu'il résulte des dispositions des articles 1413, 1414 et 1418 du Code civil, que chaque époux engage par ses dettes ses biens propres, ses revenus et les biens communs, à l'exclusion des gains et salaires de son conjoint ; que toutefois, l'article 1415 prévoit une exception concernant les cautionnements et les emprunts, dans les termes suivants : « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement de l'autre conjoint, qui dans ce cas, n'engage pas ses biens propres'; que ce texte à visée de protection du patrimoine conjugal, introduit dans le Code civil par la loi 85-1372 du 23 décembre 1985, concerne exclusivement les cautionnements et les emprunts, ces opérations pouvant présenter un danger pour les patrimoine familiaux en ce qu'elles « entraînent des engagements différés dont les époux ne prenne pas pleinement conscience au moment où ils passent les actes », selon la formule employée par M. Robert C... aux débats parlementaires du Sénat du 19 juin 1985, citée par M. Z... ; que s'agissant d'une exception au principe du recours du créancier d'un des époux sur les biens communs, il y a lieu d'en faire une interprétation stricte ; qu'il apparait que le domaine d'application de l'article 1415 ne saurait être étendu à des opérations ne constituant pas un prêt ni un cautionnement et notamment à des opérations d'où la mise à disposition de fonds est absente ; qu'il est évident que M. Y... n'a souscrit aucun emprunt personne, et n'a jamais reçu aucune somme ; en outre M. Z... démontre que la somme prêtée n'a finalement pas bénéficié directement à la société BE FINANCES, mais a été versée à une filiale de cette dernière, la SAS NRT, pour le compte de laquelle M. X... a effectué trois versements respectifs de 329. 543, 58 € à la société CRT HOLDING INC, 142. 507, 60 € à l'ordre de Jean-François D..., et 30. 000 € à M. François E..., membre du conseil de surveillance de 2 BE FINANCE ; qu'aucune existence d'un contrat de prêt personnel à M. Y..., susceptible d'entrer dans le champ d'application de l'article 1415 du Code civil, ne peut être constatée ; que M. Y... est en réalité tenu envers son co-associé fondateur de la société en formation qui a du s'acquitter seul de la dette souscrite au nom de la société en formation, non en vertu d'un contrat mais de la loi et précisément des dispositions de l'article 1843 du Code civil, et L 210-6 du Code de commerce sus-rappelées, qui instaurent un régime de responsabilité indéfinie et solidaire de l'associé fondateur pour la société commerciale ; que la notion de responsabilité est d'ailleurs expressément énoncée à l'article L210-6 du Code de commerce pour les sociétés commerciales, sachant que les actes passés le sont au nom et pour le compte d'une société ; qu'il ne peut être soutenu, comme pour les contrats visés à l'article 1415 du Code civil, que l'engagement d'un associé signataire au nom d'une société en formation ne présente pas de danger pour le patrimoine conjugal, dès lors qu'il suffit à la société de reprendre les actes conclus en cours de formation dans les statuts ou par décision spéciale dans les débuts de la vie de la société, pour désengager le patrimoine du signataire ; qu'ainsi la protection prévue par le législateur et visée à l'article 1415 du Code civil, n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; que l'article 1843 du Code civil et son corollaire commercial instaure un régime de responsabilité légale davantage qu'une obligation contractuelle ; qu'en effet le fondateur n'est pas tenu personnellement pour s'y être engagé par contrat, et n'est nullement tenu en vertu d'une qualité d'emprunteur qui est inexistante ; qu'il y a lieu de rappeler qu'une jurisprudence constante refuse d'assimiler à un cautionnement, et encore moint à un prêt, l'obligation indéfinie aux dettes de la société ou au passif social résultant de la souscription par l'un des époux d'un contrat de société civile qui a un fondement distinct ; qu'a fortiori ce raisonnement s'impose-t-il lorsque l'emprunt à l'origine du litige n'a pas été souscrit par le poursuivi, mais par une personne morale au nom et pour le compte de laquelle il a agi ; qu'au surplus en l'espèce, ce n'est pas le cocontractant de la société qui poursuit M. Y..., mais son associé qui met en oeuvre le recours entre co-obligés pour la contribution à la dette qu'il a assumée seule ; que la dette de M. Y... à l'égard de M. Z... ressort du titre exécutoire constitué par le jugement du Tribunal de grande instance de PARIS du 7 juillet 2008, qui a condamné M. Y... à payer à M. Z... la somme de 305. 296, 90 avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2008, représentant sa part de la dette ; qu'enfin, il importe de souligner que si l'origine de la dette litigieuse réside dans le défaut de reprise du prêt consenti par M. X... à la société 2BE FINANCES en formation, le seul responsable de cette situation et M. Y..., associé majoritaire, qui a voté contre la reprise par sa société du prêt souscrit en son nom ; que le caractère délibéré de ce vote de M. Y... est corroboré par un jugement du 8 janvier 2010 du Tribunal correctionnel de PARIS qui a déclaré l'intéressé coupable des délits d'obstacle aux vérifications et contrôle du commissaire aux comptes et non convocation de ce commissaire par la société 2 BE FINANCE, et l'a condamné à deux mois d'emprisonnement, ainsi qu'à une peine d'amende de 10. 000 €, aux motifs qu'il avait : « déjà été condamné à deux reprises, dont une fois pour des faits similaires ; il n'a manifesté au cours de l'enquête aucune volonté d'amender sa position ; l'autre condamnation présente à son casier judiciaire révèle également la volonté manifeste de s'affranchir du respect des règles légales » ; que la mauvaise foi de M. et Mme Y... apparaît démontrée ; qu'en conséquence, M. Z..., titulaire d'une créance liquide et exigible fondée sur un titre exécutoire, soit le jugement du 7 juillet 2008, opère saisie immobilière sur des droits saisissables au sens de l'article 2193 et 2195 du Code civil » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, si même l'article L. 210-6 du code de commerce le désigne en tant que débiteur, l'époux, commun en bien, qui a souscrit un prêt au nom de la société en formation, est lié dans les termes du prêt et conformément aux règles légales gouvernant le prêt ; qu'à ce titre, l'acte relève de l'article 1415 du code civil ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1415 du code civil par refus d'application ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, conformément à l'article L. 210-6 du code de commerce, le fondateur d'une société est personnellement tenu des obligations découlant de l'acte qu'il a passé au nom et pour le compte de la société en formation, dès lors que l'engagement n'a pas été repris par cette dernière ; que dès lors le fondateur est tenu personnellement par les engagements contractuels qu'il a souscrits ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 210-6 du code de commerce, ensemble l'article 1415 du code civil ;

ALORS QUE, TROISIEMEMENT, dès lors que le coobligé, qui a désintéressé le créancier, agit par subrogation dans les droits de ce dernier, et qu'en tout état de cause, la partie commune en biens est tenue en vertu d'un prêt et conformément aux règles légales et conventionnelles gouvernant ce prêt, il importe peu que l'action soit engagée par un codébiteur solidaire ; que de ce point de vue également, l'article 1415 du code civil a été violé ;
ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, et enfin, l'article 1415 du code civil doit recevoir application, dès lors que l'époux commun en biens est tenu dans le cadre d'un prêt ; que c'est ajouter à la loi, et l'amputer sans raison de ses effets, que de considérer que le comportement de l'époux qui a accompli l'acte ou sa bonne foi peut interférer quant au champ d'application du texte ; qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1415 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.