par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 28 mai 2015, 14-14506
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
28 mai 2015, 14-14.506

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété intellectuelle




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2014), que le peintre Bernard X... est décédé le 4 octobre 1999, en laissant pour lui succéder ses trois enfants et son épouse, décédée le 3 août 2004 ; qu'invoquant son testament olographe, M. Y... a revendiqué la qualité d'unique titulaire du droit moral du peintre sur son oeuvre pour s'opposer à la mise en ligne, par M. Z..., d'un site Internet présentant des oeuvres de l'artiste et pour obtenir la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de constater la nullité du testament signé par Bernard X... le 26 septembre 1999, en raison du non-respect des formes de l'article 970 du code civil, et de déclarer irrecevables l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen, que l'expression des dernières volontés d'ordre extra-patrimonial n'est soumise à aucune exigence de forme ; qu'en déclarant irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. Y... au titre du droit moral de Bernard X... compte tenu de la nullité du testament signé par le peintre le 26 septembre 1999 résultant du fait que cet acte n'a pas été écrit en entier de la main du testateur, quand une telle cause de nullité était sans influence sur la validité des dispositions dudit testament relatives au sort du droit moral post mortem, la cour d'appel a violé l'article 970 du code civil ;

Mais attendu que la volonté de l'auteur de transmettre le droit moral sur son oeuvre doit être exprimée selon les formes requises pour l'établissement des testaments ; qu'après avoir constaté que, s'il comportait une date et une signature susceptibles d'être attribuées à Bernard X..., le testament n'avait pas été écrit de la main du testateur, la cour d'appel en a exactement déduit que ce testament était nul et qu'il ne pouvait avoir eu pour effet de transmettre le droit moral de Bernard X... sur son oeuvre ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à M. Z... la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure ;

Attendu qu'après avoir relevé que M. Y... fondait son action sur deux pièces, dont la validité était remise en cause par la simple application des règles du code civil et du code de la propriété intellectuelle, ce qui aurait dû le conduire à la prudence, et qu'il réitérait en cause d'appel son argumentation, sans tenir compte de la motivation des premiers juges, la cour d'appel a pu décider qu'il avait fait dégénérer en abus l'exercice de son droit d'agir en justice ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR constaté la nullité du testament signé par Bernard X... le 26 septembre 1999, à raison du non respect des formes de l'article 970 du code civil, déclaré irrecevables l'ensemble des demandes de M. Y..., condamné M. Y... à payer à M. Z... la somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure outre celle de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur la qualité à agir de Monsieur Hugues Y... : Sur sa qualité à agir en vertu du testament de Bernard X... : que, sans évoquer la motivation des premiers juges qui ont considéré que ce testament était nul d'une nullité absolue en ce qu'il ne satisfaisait pas au formalisme de l'article 970 du code civil et que la prescription de l'action ne pouvait être opposée à Monsieur Z... par application des dispositions de la loi du 17 juin 2008, Monsieur Y... se prévaut de sa qualité à agir résultant des termes du testament de Bernard X... du 26 septembre 1999 (seulement signé par le testateur en raison, explique-t-il, d'une blessure au poignet, mais ceci en présence d'Annabel X...) selon lequel celui ci lui léguait, comme il a été dit : « mon entier droit moral sur l'ensemble de mes oeuvres plastiques et littéraires, faisant de lui le seul habilité à exercer :- mon droit de divulgation-mon droit au respect de mon oeuvre,- mon droit à la paternité de mon oeuvre » ; que l'appelant oppose, en tout état de cause, une fin de non recevoir tirée de la prescription en se prévalant du délai quinquennal de l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008, du dépôt de l'acte notarié à la date du 21 juin 2006 qui portait le testament à la connaissance des tiers, de l'absence d'action en nullité intentée par les ayants droit de l'artiste et de la prescription de cette action à la date du 20 juin 2011 ; que s'agissant du moyen tiré de l'irrecevabilité de Monsieur Z... en son exception de nullité sur laquelle il convient de se prononcer, selon l'article 122 du code de procédure civile, sans examen au fond, que les parties s'accordent à considérer que le manquement au formalisme imposé ad validitatem au testament olographe par l'article 970 du code civil, est sanctionné par la nullité absolue de l'acte, en application de l'article 1001 du même code ; qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, cette action en nullité se prescrivait par trente ans, par application de l'article 2262 du code civil ; que l'article 2224 issu de la loi nouvelle qui le remplace a, certes, ramené à cinq ans ce délai de prescription ; que Monsieur Y... ne peut, cependant, solliciter l'application de la loi nouvelle, en vigueur au moment de l'introduction de l'action, en omettant de s'attacher à ses dispositions transitoires prévues en son article 26 et sans tenir compte de la circonstance que le testament litigieux est antérieur à son entrée en vigueur ; qu'aux termes de cet article 26. II « Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ; qu'il en résulte qu'à juste titre et ainsi que soutenu par Monsieur Z..., les premiers juges ont considéré qu'en application de cet article 26. II, le délai de cinq ans qui commençait à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 19 juin 2008, expirait le 18 juin 2013 de sorte que l'intimé était recevable en son exception de nullité ; que s'agissant de la validité de ce testament, aux termes de l'article 970 du code civil « le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme » ; qu'il est constant que le testament dont la copie est produite aux débats et qui a fait l'objet d'un dépôt auprès d'un notaire le 20 juin 2006 sur remise de Monsieur Y... (pièces 1 et 2 de l'appelant), s'il comporte une date et une signature susceptibles d'être attribuées à Bernard X..., a été écrit de la main de Monsieur Y... ; qu'il importe peu que ce document ait été établi en présence de Madame Annabel X..., ce que rien ne vient d'ailleurs attester, ou qu'il comporte la mention écrite par Monsieur Y... suivante : « je certifie que ce document a été manuscrit par Hugues Y... et signé par moi, étant dans l'incapacité d'écrire un texte aussi long suite à l'accident survenu à mon poignet le 19 juin », dès lors que n'a pas été respecté le formalisme exigé à peine de nullité par l'article 970 précité, étant au surplus observé qu'il pouvait être aisément pallié aux difficultés physiques invoquées par le recours à d'autres modes d'établissement d'un testament prévus aux articles 971 et suivants du code civil ; que le tribunal en a justement déduit que Monsieur Y... n'avait pas qualité à agir en se prévalant de sa qualité d'exécuteur testamentaire et de légataire du droit moral en vertu de ce testament, de sorte que le jugement mérite confirmation sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE : « dans un testament daté du 26 septembre 1999, écrit par Hugues Y... et signé par Bernard X..., celui-ci désigne Hugues Y... comme exécuteur testamentaire et déclare lui léguer son entier droit moral sur l'ensemble de ses oeuvres plastiques et littéraires ; que l'article 970 du code civil dispose que le testament olographe ne sera pas valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; que si une personne n'est pas en mesure d'écrire lui-même son testament, elle a la possibilité de faire appel à un notaire et des témoins ; qu'il est constant que le testament invoqué par Hugues Y... n'a pas été écrit de la main de Bernard X... et il doit donc être déclaré nul sans qu'il y ait à rechercher s'il était la manifestation de la volonté du testateur ; que la nullité qui sanctionne la nullité de forme est une nullité absolue de sorte que la prescription applicable était la prescription trentenaire avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; que le testament datant du 26 septembre 1999, le délai de prescription expirait donc sous l'empire de l'ancienne loi, au plus tôt le 25 septembre 2029 ; que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 prévoit que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, l'article 2224 du Code civil tel qu'il résulte de la loi du 17 juin 2008 a pour effet de réduire à cinq ans la durée de la prescription en application des dispositions transitoires, ce délai de cinq ans a commencé à courir le 19 juin 2008 pour expirer le 18 juin 2013 ; que dès lors, François Z... est recevable à invoquer la nullité du testament du 26 septembre 1999 et les demandes que Hugues Y... a formulées en invoquant sa qualité d'exécuteur testamentaire et de légataire du droit moral en vertu de ce testament doivent être déclarées irrecevables » ;

ALORS QUE l'expression des dernières volontés d'ordre extrapatrimonial n'est soumise à aucune exigence de forme ; qu'en déclarant irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. Y... au titre du droit moral de Bernard X... compte tenu de la nullité du testament signé par le peintre le 26 septembre 1999 résultant du fait que cet acte n'a pas été écrit en entier de la main du testateur, quand une telle cause de nullité était sans influence sur la validité des dispositions dudit testament relatives au sort du droit moral post mortem, la cour d'appel a violé l'article 970 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. Y... à verser à M. Z... la somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts pour abus de procédure outre celle de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur la demande indemnitaire présentée par Monsieur Z... : (...) que s'il importe de ne pas entraver l'exercice des actions en justice et de ne pas sanctionner un plaideur qui s'est simplement mépris sur l'étendue de ses droits, encore faut il que l'exercice des voies de droit ne dégénère pas en abus ; qu'en l'espèce, il convient, toutefois de considérer qu'en opposant, comme il l'a fait, à Monsieur Z... la titularité de l'ensemble du droit moral sur l'oeuvre de Bernard X... qui n'est justifiée que par deux seules pièces alors que la simple application des dispositions du code civil et du code de la propriété intellectuelle aurait dû le conduire à la prudence sur leur validité et l'inciter à produire un surcroît de pièces destinées à attester de la réalité des droits revendiqués, et en réitérant, par ailleurs, en cause d'appel son argumentation sans tenir compte de la motivation des premiers juges, Monsieur Y... a commis une faute préjudiciable à Monsieur Z... en le plaçant durablement dans une incertitude juridique qui ne pouvait que le perturber, compte tenu des sommes disproportionnées en regard de ses facultés financières qui lui étaient réclamées, et en le plongeant dans le désarroi alors qu'il est démontré que Monsieur Z... se livrait à une activité bénévole, seulement motivée par son engouement pour l'oeuvre, qui avait recueilli le soutien des proches de l'artiste ; que Monsieur Y... sera, de ce fait, condamné à verser à Monsieur Z... une somme de 8. 000 euros à titre de dommages-intérêts » ;

ALORS QU'en condamnant M. Y... à payer à M. Z... la somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive aux motifs que l'appelant, d'une part, s'est prévalu de la titularité du droit moral de Bernard X... au regard de deux pièces seulement quand les dispositions légales auraient dû le conduire à plus de prudence quant à leur validité et à produire d'autres éléments de preuve et, d'autre part, a réitéré en cause d'appel son argumentation sans tenir compte de la motivation des premiers juges, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une faute de nature à faire dégénérer en abus l'exercice des voies de recours en violation de l'article 559 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Propriété intellectuelle


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.