par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 22 septembre 2015, 14-22913
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre commerciale
22 septembre 2015, 14-22.913

Cette décision est visée dans la définition :
Caution / Cautionnement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... que sur le pourvoi incident relevé par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre Ouest ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les 30 novembre 2006 et 23 décembre 2008, M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire envers la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre Ouest (la caisse) de prêts consentis à deux sociétés dont il était dirigeant, l'un à la société Cap Lim, à concurrence de 71 500 euros, l'autre, à la société Miroiterie GBM, à concurrence de 156 000 euros ; que les sociétés débitrices ayant été mises en redressement puis liquidation judiciaires, les 23 mai et 30 septembre 2011, la caisse a assigné en exécution de ses engagements la caution, qui s'est prévalue de leur disproportion ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

Attendu que, pour condamner la caution au titre du prêt consenti à la société Cap Lim, l'arrêt retient que son endettement n'apparaît pas manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine compte tenu du succès escompté de l'opération commerciale financée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement de la caisse au titre du prêt consenti à la société Miroiterie GBM, l'arrêt retient que la caution rapporte la preuve que son engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la caisse qui se prévalait de la détention par la caution de diverses participations dans des sociétés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Patrick X..., en sa qualité de caution solidaire de la société Cap Lim, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest la somme de 71.500 ¿, avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2011 ;


AUX MOTIFS QUE, sur l'engagement de caution solidaire souscrit par M. X... le 30 novembre 2006 à concurrence du montant de 71.500 ¿, la Caisse ne produit aucune fiche de renseignement sur la situation économique de M. X... préalable à son engagement de caution du 30 novembre 2006 ; qu'à la date de cet engagement souscrit au profit de la Caisse à concurrence du montant de 71.500 ¿, M. X..., marié sous le régime de la séparation de biens et ayant deux enfants à charge, percevait des revenus pour un montant annuel de 43.183 ¿, soit 3.600 ¿ par mois ; qu'il était propriétaire de sa résidence dont il estime la valeur au montant de 350.000 ¿, financée au moyen d'un emprunt représentant une charge de remboursement annuelle de 7.447 ¿ ; qu'il s'était, le 3 novembre 2006, déjà porté caution solidaire du remboursement de deux prêts consentis à la SCI Maimmo l'un par la Caisse, l'autre par la banque Tarneaud à concurrence chacune de 143.000 ¿ ; que le courrier du 26 juillet 2006 adressé par la Caisse à M. X... démontre que cet établissement de crédit avait nécessairement connaissance de l'intervention de la banque Tarneaud pour le financement de la SCI Maimmo puisqu'il en faisait la condition de son propre concours ; que la Caisse se devait donc de se renseigner auprès de M. X... sur les garanties le cas échéant réclamées par la banque Tarneaud pour sûreté du remboursement de son prêt à cette SCI, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait, en sorte que ce cautionnement peut lui être opposé ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de tenir compte, dans l'appréciation de l'endettement de M. X..., de l'engagement de caution qu'il a souscrit au profit de la banque Tarneaud le 6 décembre 2006, celui-ci étant postérieur au 30 novembre 2006 ; qu'il n'y a pas davantage lieu de prendre en considération son engagement de caution de 275.000 ¿ en garantie d'un crédit relais de neuf mois du même montant puisqu'il est constant que ce prêt était soldé à la date du 30 novembre 2006 ; que l'endettement personnel de M. X... à cette dernière date s'établit donc au montant de 143.000 x 2 = 286.000 ¿ auquel s'ajoute l'engagement litigieux de 71.500 ¿, soit un total de 357.500 ¿, outre le coût du crédit immobilier de 7.447 ¿ par an ; que cet endettement n'apparaît pas manifestement disproportionné aux revenus et patrimoine de M. X... compte tenu du succès escompté de l'opération commerciale financée ; qu'il n'y a pas lieu de faire application de la sanction de l'article L. 341-4 du code de la consommation en ce qui concerne l'engagement de caution du 30 novembre 2006 ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. X... à payer à la Caisse, en exécution de son engagement de caution, la somme de 71.500 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2011 ;

1) ALORS, D'UNE PART, QUE la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie ; que dès lors, en retenant que l'endettement de M. X..., évalué par elle à 357.500 ¿ au jour de son engagement de caution, outre le coût d'un crédit immobilier de 7.447 ¿ par an, n'apparaissait pas manifestement disproportionné aux revenus et patrimoine de M. X... compte tenu du succès escompté de l'opération commerciale financée, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QU'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la disproportion de l'engagement de la caution doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution, y compris celui résultant de l'ensemble des engagements de caution souscrits par cette dernière ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait que le prêt de 275.000 ¿ octroyé le 30 novembre 2006 à la SAS Cap Lim par le Crédit agricole, pour lequel il s'était porté caution à hauteur de 71.500 ¿, s'inscrivait dans le cadre de la reprise du groupe SLGS, opération d'ensemble comprenant l'acquisition des titres des sociétés SLGS et GBM par la holding Cap Lim et l'acquisition de l'immobilier d'exploitation par la SCI Maimmo, financée par deux prêts de 275.000 ¿, amortissables sur 7 ans, respectivement consentis à la société Cap Lim par le Crédit agricole, le 30 novembre 2006, et par la Banque Tarneaud, le 6 décembre 2006, par deux prêts relais du même montant accordés simultanément à la société Cap Lim pour une durée de neuf mois, ainsi que par deux prêts immobiliers d'un montant de 550.000 ¿, octroyés à la SCI Maimmo par chacune des deux banques le 3 novembre 2006, pour l'acquisition de l'immeuble appartenant à la SA SLGS ; que l'exposant invoquait notamment, en preuve du caractère unique de l'opération financée par ce montage, la lettre que lui avait adressée le Crédit agricole le 26 juillet 2006 l'informant de son accord pour le financement global ainsi décomposé et, comme l'a elle-même relevé la cour d'appel, faisant de l'intervention de la Banque Tarneaud à hauteur de 50 % de l'ensemble de ces financements, la condition de son concours ; que dès lors, en retenant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte, dans l'appréciation de l'endettement de M. X..., de l'engagement de caution souscrit par lui, à hauteur de 71.500 ¿, au profit de la Banque Tarneaud en garantie du prêt du 6 décembre 2006, celui-ci étant postérieur au 30 novembre 2006, ni de son engagement de 275.000 ¿ en garantie du prêt-relais de neuf mois du même montant, bien qu'elle eût l'obligation, pour apprécier le caractère manifestement disproportionné du cautionnement litigieux, de prendre en considération l'ensemble des cautionnements concomitamment souscrits par M. X... dans le cadre de l'opération globale de reprise du Groupe SLGS financée de concert par le Crédit agricole et la Banque Tarneaud au moyen de plusieurs prêts, peu important qu'ils ne soient pas de même date, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

3) ALORS, AU SURPLUS, QU'en se déterminant par la simple affirmation selon laquelle il n'y avait pas lieu de tenir compte du prêt-relais de neuf mois d'un montant de 275.000 ¿ souscrit par la société CAP LIM simultanément au prêt amortissable sur sept ans du 30 novembre 2006 « puisqu'il est constant que ce prêt était soldé au 30 novembre 2006 », sans préciser sur quels documents de preuve, qui ne sont ni visés ni a fortiori analysés, même sommairement, elle fondait cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS, ENFIN, QUE pour évaluer le patrimoine de la caution, le juge doit tenir compte du passif constitué par le prêt contracté pour financer son acquisition ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait avoir souscrit un prêt immobilier auprès de la Caisse d'épargne Auvergne Limousin (CEPAL) pour financer l'acquisition de sa maison, prêt au titre duquel il devait encore rembourser la somme de 71.552 ¿ jusqu'au 10 octobre 2021, à raison de 7.447 ¿ par an ; que dès lors, en se bornant à énoncer que le coût du crédit immobilier souscrit par l'exposant pour financer sa résidence d'une valeur de 350.000 ¿ était de 7.447 ¿ par an, sans tenir compte de la valeur de ce patrimoine le montant global restant à rembourser au titre du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation.
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre Ouest, demanderesse au pourvoi incident

Le pourvoi incident fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la Crcam du Centre Ouest de l'action qu'elle formait contre M. Patrick X... pour le voir condamner à lui payer la somme de 156 000 ¿, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2011 ;

AUX MOTIFS QUE « la caisse s'est renseignée sur la solvabilité de M. X... préalablement à la souscription de cette garantie le cautionnement qu'il a souscrit , puisqu'elle produit une fiche de renseignements complétée par celui-ci le 1er décembre 2008 » (cf. arrêt attaqué, p. 3, 5e attendu) ; « que, dans cette fiche, M. X... certifie percevoir des revenus pour 57 461 ¿, soit 4 789 ¿ par mois, et être propriétaire de sa résidence dont il estime la valeur au montant de 350 000 ¿, financée au moyen d'un emprunt représentant une charge de remboursement annuelle de 7 447 ¿ ; qu'il déclare rembourser deux autres prêts contractés pour l'achat de véhicules représentant une charge annuelle de 4 084 ¿ et 3 014 ¿ ; qu'il indique avoir contracté deux engagements de caution » (cf. arrêt attaqué, p. 3, 6e attendu, lequel s'achève p. 4) ; qu'« au vu des éléments précités ¿ M. X... rapporte la preuve que son engagement de caution du 23 décembre 2008 à concurrence de la somme de 156 000 ¿ était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la caisse, qui ne démontre pas, ni même ne prétend, que le patrimoine de M. X... lui permettrait à ce jour de faire face à son obligation de garantie, ne peut se prévaloir de ce cautionnement » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 2e attendu) ;

1. ALORS QUE le juge doit, pour apprécier la disproportion manifeste que vise l'article L. 341-4 du code de la consommation, prendre en considération les biens et revenus de la caution ; que la cour d'appel, qui vise la fiche de renseignement complétée par M. Patrick X... le 1er dé-cembre 2008, ne tient pas compte des participations que M. Jacques X... détenait dans le capital des sociétés Multi pôles consultants (90 %), Cap lim (18,60 %), Maïmmo (55 %) et du Cros (26 %), participations qui étaient mentionnées dans le cadre « patrimoine : autres valeurs » de cette fiche de renseignements du 1er décembre 2008 ; qu'elle a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

2. ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (11.12.13, pp. 6 et 7), la Crcam du Centre ouest faisait valoir que M. Jacques X... « détenait 18,60 % du capital (752 500 ¿) de la sas Cap lim, elle-même détenant 100 % du capital (900 000 ¿) de la sas Miroiterie Gbm, 100 % du capital (250 000 ¿) de la sas Établissements Tomas C, propriétaire de biens immobiliers à Guéret (Creuse) et 100 % du capital (10 000 ¿) de la sarl Sos Gbm », « détenait 55 % du capital (1 000 ¿), de la sci Maïmmo, elle-même propriétaire à Isle des bâtiments d'exploitation de la sas Miroiterie Gbm », « détenait 26 % du capital (1 000 ¿) de la sci du Cros, elle-même propriétaire immobilier », et « détenait partie du capital (1 097 824 ¿ ) de la société Limousine du gestion et de service » ; qu'elle en déduisait que la cour d'appel « ne peut examiner la contestation de M. X... Patrick qu'au regard des éléments supra, tel que certifiés par celui-ci », et que, « considérant les biens et revenus de M. X... Patrick tels que déclarés par celui-ci, ¿ ce dernier ne peut sérieusement soutenir que son engagement de caution à concurrence de 227 500 ¿ "était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus" » (p. 7, 3e et 4e alinéa) ; qu'en énonçant, dans ces conditions, « que la caisse ¿ ne démontre pas, ni même ne prétend, que le patrimoine de M. X... lui permettrait à ce jour celui du cautionnement de faire face à son obligation de garantie », la cour d'appel a violé l'article 4du code de procédure civile.


3. ALORS, en toute hypothèse, QUE, dans ses conclusions d'appel (11.12.13, pp. 6 et 7), la Crcam du Centre ouest faisait valoir que M. Jacques X... « détenait 18,60 % du capital (752 500 ¿) de la sas Cap lim, elle-même détenant 100 % du capital (900 000 ¿) de la sas Miroiterie Gbm, 100 % du capital (250 000 ¿) de la sas Établissements Tomas C, propriétaire de biens immobiliers à Guéret (Creuse) et 100 % du capital (10 000 ¿) de la sàrl Sos Gbm », « détenait 55 % du capital (1 000 ¿), de la sci Maïmmo, elle-même propriétaire à Isle des bâtiments d'exploitation de la sas Miroiterie Gbm », « détenait 26 % du capital (1 000 ¿) de la sci du Cros, elle-même propriétaire immobilier », et « détenait partie du capital (1 097 824 ¿ ) de la société Limousine du gestion et de service » ; qu'elle en déduisait que la cour d'appel « ne peut examiner la contestation de M. X... Patrick qu'au regard des éléments supra, tel que certifiés par celui-ci », et que, « considérant les biens et revenus de M. X... Patrick tels que déclarés par celui-ci, ¿ ce dernier ne peut sérieusement soutenir que son engagement de caution à concurrence de 227 500 ¿ "était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus" » (p. 7, 3e et 4e alinéa) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.



site réalisé avec
Baumann Avocats Contrats informatiques

Cette décision est visée dans la définition :
Caution / Cautionnement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.