par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 11 mai 2017, 16-12191
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Cour de cassation, chambre sociale
11 mai 2017, 16-12.191

Cette décision est visée dans la définition :
Reclassement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2015), que M. Y..., engagé par la société Eiffage énergie Ile-de-France à compter du 3 septembre 2001 en qualité de chauffeur poids lourds, a été licencié le 6 avril 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer les emplois disponibles, y compris ceux qui ont un caractère temporaire ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, en considérant, pour retenir que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, que les stagiaires ayant été recrutés pour effectuer des missions ponctuelles, variant d'une semaine à un mois pour leurs durées respectives, M. Y... ne pouvait valablement soutenir que ces tâches, même administratives et répondant aux exigences médicales de sa situation, constituaient un poste sur lequel il aurait pu être reclassé, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12, alinéa 2, du code du travail ;

2°/ que l'employeur a l'obligation de se livrer à une recherche réelle, sérieuse et loyale des possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ; que dès lors en l'espèce, en se bornant à retenir, pour considérer que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, que le courrier de l'entreprise du 28 mars 2011 avait été adressé aux différents services de l'entreprise, mais également au sein du groupe, par deux courriels distincts du 4 avril 2011, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la rapidité des réponses négatives données dès le 5 avril 2011 n'établissait pas le caractère fictif des recherches de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-12, alinéa 2, du code du travail ;

3°/ qu'en omettant de répondre aux conclusions d'appel de M. Y... faisant valoir que la recherche de reclassement doit débuter à compter du second examen médical ou de l'examen unique le cas échéant et être poursuivie jusqu'au licenciement du salarié, que l'employeur doit donc continuer ses recherches après l'expiration du délai d'un mois qui l'oblige à reprendre le paiement du salaire ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des juges du fond que la recherche de reclassement n'avait été effectuée que par un courrier du 28 mars 2011 et que, le licenciement étant intervenu le 6 avril 2012, aucune recherche de reclassement n'avait été effectuée depuis plus de onze mois, ce dont il résultait que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'il appartient à l'employeur de prouver la réalité et le sérieux de sa recherche de reclassement ; qu'il s'ensuit qu'en se bornant à retenir que l'employeur avait adressé le courrier du 28 mars 2011 aux différents services de l'entreprise et au sein du groupe, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'absence de possibilité par l'employeur de procéder à des mutations, transformations de postes et aménagement de temps de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-12, alinéa 2, du code du travail ;

Mais attendu que ne constituent pas un poste disponible pour le reclassement d'un salarié déclaré inapte l'ensemble des tâches confiées à des stagiaires qui ne sont pas salariés de l'entreprise, mais suivent une formation au sein de celle-ci ;

Et attendu que la cour d'appel, devant laquelle aucune fraude n'était invoquée, a, sans être tenue de répondre à un simple argument ni de procéder à une recherche que ses énonciations rendaient inopérante, souverainement retenu que l'employeur avait procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Renaud Y... de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Il est également précisé dans le cadre de ces dispositions que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Il ressort des pièces du dossier que M. Y... a été déclaré « inapte définitif dans les postes de conducteur d'engin comme ceux de chauffeur poids lourd ». Le médecin, dans cet avis du 20 décembre 2010, a ajouté « est par ailleurs en invalidité de catégorie 2 ». Cet avis intervient à la suite d'un premier avis, dans le même sens, en date du 6 décembre 2010. M. Y... soutient que l'employeur, avant de procéder à son licenciement pour inaptitude physique, n'a pas effectué de recherches réelles de reclassement et que la société a recruté des stagiaires pour réaliser des tâches qu'il aurait pu exécuter. La société Eiffage Energie Ile-de-France conteste ces allégations et indique qu'elle a effectué l'ensemble des démarches utiles au reclassement de M. Y..., en dépit de restriction médicales conséquentes. La société rappelle également qu'elle a fait signer un questionnaire à M. Y... pour évaluer ses souhaits et apprécier sa mobilité géographique et ses connaissances, mais ce dernier a répondu négativement à l'ensemble des questions. Le médecin de travail a précisé les caractéristiques des postes pour lesquels M. Y... est inapte dans un courrier en date du 23 février 2011. Le poste proposé ne doit, ainsi, contenir aucune « manutention manuelle ou mécanique », et les déplacements comme les efforts physiques même modestes sont à proscrire. Il ressort du courrier adressé par l'entreprise en date du 28 mars 2011, dans le cadre de la recherche de reclassement de M. Y..., qu'il reprend les postes sur lesquels il est inapte et précise les postes qui peuvent lui être offerts pour être compatibles avec les prescriptions médicales : « il conviendrait d'envisager d'affecter M. Y... sur un poste administratif de gardiennage ou de vidéo-surveillance [...] en cas de besoin, et si acceptation de proposition de reclassement, les frais éventuels de formation et d'aménagement de poste seraient pris en charge par Forclum Ile-de-France Melun ». Il ressort des pièces versées aux débats que ce courrier a été adressé aux différents services de l'entreprise mais également au sein du groupe (Bry-sur-Marne, Pantin, Pontoise, Mantes, Paris Nord 2, Nogent-sur-Oise, Antony, (Forclum Auvergne, Rhône Alpes, Infra Sud Est, Normandie (Haute et Basse), Forclum Est, Forclum Ouest, Val-de-Loire, Cente Loire, Eiffage Méditerranée, Eiffel, Area, APRR, Eiffage Thermie Centre Est, Chenal Electricité), par deux mails distincts du 4 avril 2011. A cet égard, M. Y... est mal fondé à affirmer que les recherches ont été limitées à l'Ile-de-France. Si M. Y... soutient que des stagiaires ont été recrutés pour réaliser des tâches qu'il pouvait exécuter, il ressort du registre des entrées et sorties de personnel, comme des fiches de poste des stagiaires qu'il cite, que ces derniers ont effectué [des missions]
ponctuelles, variant d'une semaine à un mois pour leurs durées respectives. Il ne peut donc valablement soutenir que ces tâches, même administratives et répondant aux exigences médicales de sa situation, constituent un poste sur lequel il aurait pu être reclassé. Au regard de l'ensemble de ces éléments, force est de constater que la société Eiffage Energie Ile-de-France a procédé à une recherche personnalisée, sérieuse et réelle de postes à proposer à M. Y..., dans le respect des prescriptions médicales apposées par le médecin dans son avis du 20 décembre 2010 et a ainsi respecté l'obligation de reclassement qui lui incombe. Par conséquent, il y a lieu de relever que le licenciement de M. Y... repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement de première instance est confirmé ;

1) ALORS QUE lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer les emplois disponibles, y compris ceux qui ont un caractère temporaire ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, en considérant, pour retenir que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, que les stagiaires ayant été recrutés pour effectuer des missions ponctuelles, variant d'une semaine à un mois pour leurs durées respectives, M. Renaud Y... ne pouvait valablement soutenir que ces tâches, même administratives et répondant aux exigences médicales de sa situation, constituaient un poste sur lequel il aurait pu être reclassé, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12, alinéa 2, du code du travail ;

2) ALORS QUE l'employeur a l'obligation de se livrer à une recherche réelle, sérieuse et loyale des possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ; que dès lors en l'espèce, en se bornant à retenir, pour considérer que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, que le courrier de l'entreprise du 28 mars 2011 avait été adressé aux différents services de l'entreprise, mais également au sein du groupe, par deux courriels distincts du 4 avril 2011, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la rapidité des réponses négatives données dès le 5 avril 2011 n'établissait pas le caractère fictif des recherches de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-12, alinéa 2, du code du travail ;

3) ALORS QU'en omettant de répondre aux conclusions d'appel de M. Renaud Y... faisant valoir que la recherche de reclassement doit débuter à compter du second examen médical ou de l'examen unique le cas échéant et être poursuivie jusqu'au licenciement du salarié, que l'employeur doit donc continuer ses recherches après l'expiration du délai d'un mois qui l'oblige à reprendre le paiement du salaire ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des juges du fond que la recherche de reclassement n'avait été effectuée que par un courrier du 28 mars 2011 et que, le licenciement étant intervenu le 6 avril 2012, aucune recherche de reclassement n'avait été effectuée depuis plus de onze mois, ce dont il résultait que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


4) ALORS QUE lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'il appartient à l'employeur de prouver la réalité et le sérieux de sa recherche de reclassement ; qu'il s'ensuit qu'en se bornant à retenir que l'employeur avait adressé le courrier du 28 mars 2011 aux différents services de l'entreprise et au sein du groupe, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'absence de possibilité par l'employeur de procéder à des mutations, transformations de postes et aménagement de temps de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-12, alinéa 2, du code du travail.



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